L’utilisation des dashcams est-elle licite ?

L’utilisation des dashcams est-elle licite ?

Ce qu’il faut retenir

L’utilisation des dashcams dans les véhicules n’est pas réglementée spécifiquement en France. L’utilisation des enregistrements doit toutefois respecter les règles de droit à la vie privée, de protection des données personnelles et d’admissibilité de la preuve.


Les dashcams sont des caméras embarquées, installées sur le tableau de bord ou le pare-brise des véhicules, ou sur le casque des cyclistes ou motards.(1) Conçues pour enregistrer les trajets et incidents routiers, les dashcams peuvent être utiles pour montrer les causes d’un d’accident. Cependant, leur utilisation soulève des questions juridiques : ces dispositifs sont-ils réellement autorisés ? Quelles sont les conditions d’utilisation de ces enregistrements ?

Nous décryptons ci-après le cadre juridique applicable aux dashcams en France et clarifions les conditions dans lesquelles ces dispositifs peuvent être utilisés dans un cadre licite.


1. Une absence de réglementation spécifique mais un encadrement légal indirect

    1.1 Définition des dashcams et modes d’utilisation

Les dashcams sont des caméras qui enregistrent la route en continu depuis le tableau de bord ou le pare-brise du véhicule. La caméra enregistre l’environnement du véhicule : les autres véhicules, les chauffeurs et les passagers de ces véhicules ainsi que les piétons du point de vue du conducteur. Certains modèles peuvent également filmer l’intérieur du véhicule, et enregistrer les conversations entre les passagers, voire les conversations téléphoniques.

Les dashcams peuvent être utiles en matière de sécurité routière et fournir un élément de preuve en cas d’événement sur la route.

Les images captées peuvent être utilisées à titre personnel, transmises aux assurances ou aux forces de l’ordre en cas de litige, et parfois même publiées sur internet.

Contrairement à certains pays qui interdisent ou réglementent l’utilisation des dashcam, il n’existe actuellement aucune loi en France réglementant ou interdisant l’usage des dashcams. (2) Toutefois, leur utilisation est soumise à des réglementations connexes relatives au respect de la vie privée, à la protection des données à caractère personnel et aux conditions d’admissibilité de la preuve en justice.

    1.2 Des enregistrement strictement encadrés

L’installation d’une dashcam dans un véhicule est autorisée dès lors qu’elle ne constitue pas une gêne pour le conducteur et respecte le Code de la route.

Par ailleurs, il est permis de filmer la voie publique à partir d’un espace privé (son véhicule), mais cette captation ne doit pas porter atteinte aux droits des tiers, notamment si l’enregistrement comprend des éléments identifiables (plaques d’immatriculation, images de passagers d’autres véhicules ou de piétons).


2. Les conditions d’utilisation des enregistrements

    2.1 Respect du droit à la vie privée et droit à l’image

En application de l’article 9 du code civil, “chacun a droit au respect de sa vie privée”. Le droit à la vie privée implique par exemple que les enregistrements ne doivent pas être utilisés à des fins de surveillance non consentie. Ainsi, une dashcam ne doit pas servir à espionner d’autres usagers de la route ou à enregistrer des conversations privées dans le véhicule à l’insu des passagers.

L’article 226-1 du Code pénal interdit d’enregistrer ou de diffuser des images ou des paroles portant atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui sans son consentement ou à son insu. Cette interdiction s’étend à la localisation de la personne.

Si les dashcams filment uniquement la voie publique, sans cibler spécifiquement une personne, elles ne constituent pas une violation directe de cette disposition. En revanche, si elles capturent une personne isolée et reconnaissable, dans la rue, à l’intérieur d’un véhicule tiers ou d’une habitation, l’enregistrement pourrait être jugé illégal.

Même si ce n’est pas la finalité première de ces enregistrements, les vidéos enregistrées par des dashcams sont régulièrement mises en ligne par certains conducteurs.

La publication de ces vidéos sur les réseaux sociaux doit respecter le droit à l’image. Le consentement préalable des personnes apparaissant sur ces vidéos (ou des parents pour les mineurs) est nécessaire avant leur mise en ligne. En l’absence de consentement, et si celui-ci ne peut être obtenu, il conviendra de flouter les visages, plaques d’immatriculation et autres éléments permettant d’identifier les personnes, sauf si elles ne sont pas reconnaissables.

Les sanctions applicables en cas d’atteinte au droit à l’image, s’élèvent à 45.000€ d’amende et un an d’emprisonnement.

    2.2 Protection des données personnelles

Dans un arrêt du 11 décembre 2014, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a confirmé que l'exploitation d'une caméra installée par une personne physique sur sa maison familiale, surveillant également l'espace public, est soumise à la réglementation sur la protection des données à caractère personnel. (3)

Dans la mesure où les dashcams enregistrent des images de la voie publique et que ces enregistrements peuvent comprendre des données personnelles - le visage de personnes identifiables ainsi que des plaques d’immatriculation, ceux-ci sont soumis au RGPD.

Les conducteurs sont considérés comme responsables du traitement au sens du RGPD. A ce titre, ils sont tenus de respecter a minima les obligations suivantes :

   . La base légale du traitement : celui-ci pourrait reposer sur l’intérêt légitime du conducteur ;
   . La finalité du traitement : en principe, les enregistrements sont utilisés à des fins de sécurité de la route. L’utilisation des images à d’autres fins (publication sur les réseaux, exploitation commerciale, etc.) pourrait constituer un détournement de finalité ;
   . L’information des personnes concernées : faute de pouvoir recueillir le consentement des personnes avant l’enregistrement par la dashcam, il serait souhaitable d’informer les personne concernées, par exemple en apposant un autocollant sur le véhicule indiquant l’utilisation d’une dashcam ;
   . Une durée de conservation des données limitée : les données sont généralement effacées automatiquement dès que la mémoire du dispositif est pleine. En tout état de cause, les vidéos devraient être effacées dans des délais très courts (24 ou 48h par exemple) en l’absence d’incident. En cas d’accident, ce délai sera allongé si l’enregistrement est utilisé comme élément de preuve ;
   . La sécurité des données : le conducteur est responsable de la sécurité des données collectées. Il devra s’assurer que l’accès à la dashcam est sécurisé (a fortiori si le dispositif est connecté), et ce jusqu’à la suppression des enregistrements ;
   . L’anonymisation des données personnelles : les visages des personnes reconnaissables et les plaques d’immatriculation seront floutées avant toute diffusion des images.

Par ailleurs, les conditions d’utilisation de dashcams par les entreprises dans les véhicules professionnels devront être prévues dans la politique interne de protection des données. Il conviendra notamment de veiller à ce que la finalité du traitement ne soit pas détournée à des fins de surveillance des chauffeurs (heures et durée d’utilisation, trajets utilisés, conversations dans le véhicule, etc.).

    2.3 L’admissibilité des enregistrements comme preuve

L’admissibilité des enregistrements de dashcams varie selon le contexte :
   . En matière pénale : l’article 427 du code de procédure pénale pose le principe de la liberté de la preuve. Les enregistrements peuvent être acceptés par les tribunaux, même s’ils ont été obtenus de manière illicite ou déloyale, sans le consentement des personnes concernées ou à leur insu.
   . En matière civile : l’admissibilité de la preuve est fondée sur la loyauté et le respect des droits fondamentaux des personnes concernées. (4) Une preuve obtenue de manière déloyale (par exemple, à l’insu de la personne concernée) sera en principe déclarée irrecevable.
   . En matière d’assurance : certaines compagnies incitent leurs assurés à utiliser une dashcam, parfois accompagné d’une remise sur le montant de la prime. L’enregistrement pourra ainsi être utilisé en cas d’accident, même si l’établissement d’un constat reste obligatoire. La question de la licéité de ce type de traitement peut se poser, sauf si la personne à l’origine de l’enregistrement a informé l’autre automobiliste impliqué dans l’accident de l’utilisation d’une dashcam et de la transmission de l’enregistrement de l’accident à la compagnie d’assurance.


      En conclusion, les dashcams ne sont ni interdites ni spécifiquement réglementées en France, mais leur utilisation est soumise à plusieurs réglementations : respect de la vie privée et de la protection des données personnelles notamment. L’utilisation des dashcams est par ailleurs interdite ou réglementée dans certains pays. Leur usage doit donc être raisonné et encadré pour éviter toute violation des lois applicables.


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(1) Le terme “dashcam” est la contraction des mots anglais dashboard (tableau de bord) et camera.

(2) Plusieurs pays, tels que l’Autriche, le Luxembourg ou le Portugal interdisent le droit d’utiliser une dashcam. En Allemagne, l'utilisation de dashcams filmant en continu est interdite, sous peine d'amendes pouvant atteindre 300.000€. Seules les caméras qui n'enregistrent que des séquences courtes, activées par des événements tels qu’un freinage brusque, sont tolérées. Il est donc recommandé de se renseigner sur leur statut avant de poursuivre sa route hors de France.

(3) CJUE, Aff. C-212/13 du 11 décembre 2014.

(4) Voir article 9 du code civil et la référence à la notion de procès équitable rappelée à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.


Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Février 2025