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L’utilisation de drones pour le maintien de l’ordre validée par le Conseil d’Etat
Ce qu’il faut retenir
Le Conseil d’Etat a validé le décret définissant les conditions d’utilisation, par les forces de l’ordre, de caméras embarquées sur des drones pour le maintien de l’ordre.
Par une décision du 30 décembre 2024, le Conseil d’Etat a validé le décret définissant les conditions d’utilisation, par les forces de l’ordre, de caméras embarquées sur des drones dans le cadre d’activités de maintien de l’ordre.
1. Le décret du 19 avril 2023 et la délibération de la CNIL
Le décret du 19 avril 2023 définit les conditions d’utilisation, par les forces de l’ordre (police, gendarmerie, et militaires) de caméras embarquées sur des drones dans le cadre d’activités de maintien de l’ordre. (1)
L’utilisation de ces caméras est strictement encadrée et ne peut concerner que les activités suivantes liées au maintien de l’ordre:
- La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés (…), à des risques d’agression, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants (…),
- La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique (…) lorsque ces rassemblements sont susceptibles d’entraîner des troubles graves à l’ordre public,
- La prévention d’actes de terrorisme,
- La régulation des flux de transport, aux seules fins du maintien de l’ordre et de la sécurité publics,
- La surveillance des frontières, en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier,
- Le secours aux personnes.
Les données concernées sont limitées aux images captées par les caméras, à l’exclusion du son, le jour et la plage horaire de l’enregistrement, les coordonnées du télé-pilote ou de l’opérateur et le numéro d’enregistrement de l’aéronef, le lieu ou la zone géographique d’enregistrement.
Lors du traitement des enregistrements, il est interdit de sélectionner une catégorie de personnes à partir de ces seules données.
Le décret prévoit par ailleurs les catégories de personnes pouvant accéder aux enregistrements, ainsi que leurs destinataires.
Les enregistrements sont conservés pendant une durée maximale de sept jours à compter de la fin du déploiement du dispositif. Au cas où l’enregistrement contiendrait des images de l’intérieur de domiciles ou de leurs entrées, ces images devront être supprimées dans un délai de quarante-huit heures.
Enfin, sauf urgence ou conditions particulières de l’opération, le public doit être informé sur l’emploi de ces caméras.
Dans la mesure où l’enregistrement d’images constitue un traitement de données à caractère personnel, le gouvernement avait soumis le projet de décret à la CNIL préalablement à sa publication.
Dans une délibération publiée le 16 mars 2023, la Commission a globalement validé le projet de décret. (2)
2. La saisine du Conseil d’Etat et la décision du 30 décembre 2024
Plusieurs associations s’étaient élevées contre la publication de ce décret au motif qu'il portait atteinte aux libertés et à la vie privée.
L’Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) et la Ligue des droits de l’homme avaient, dans un premier temps, saisi le Conseil d’Etat en référé-suspension. Le Conseil d’Etat avait rejeté leur demande en mai 2024.
Ces associations, rejointes par la Quadrature du Net et l’association Dataring, ont alors déposé une requête au fond en annulation du décret du 19 avril 2023 pour excès de pouvoir. (3)
Les juges ont relevé que le cadre juridique du décret apportait des garanties suffisantes.
D’une part, l'emploi de dispositifs de captation d'images installés sur des drones est soumis à une décision écrite et motivée du représentant de l'Etat dans le département (du préfet de police à Paris). La demande doit :
- comporter l'ensemble des éléments lui permettant de s'assurer de la nécessité et de la proportionnalité du recours à ces dispositifs,
- déterminer la finalité poursuivie et
- fixer un périmètre géographique qui ne peut excéder celui strictement nécessaire à l'atteinte de cette finalité, ainsi que le nombre maximal de caméras pouvant procéder simultanément aux enregistrements.
D'autre part, cette autorisation est soumise à la condition que les forces de l’ordre ne peuvent employer d'autres moyens moins intrusifs au regard du droit au respect de la vie privée.
Les juges rappellent également que sont interdits la reconnaissance faciale, la captation de son et les croisements automatisés avec d’autres fichiers.
Enfin, la durée de conservation des enregistrement est limitée dans les temps.
(1) Décret n°2023-283 du 19 avril 2023 relatif à la mise en oeuvre de traitements d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative.
(2) Délibération n°2023-027 portant avis sur un projet de décret portant application des articles L.242-1 et suivants du Code de la sécurité intérieure.
(3) CE, 10é et 9é ch. réunies, Aff. n°473506, 30 décembre 2024
Bénédicte DELEPORTE
Avocat
Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com
Janvier 2025