
Cookies sans consentement : résolution du contrat de prestation web pour défaut de délivrance conforme
Ce qu’il faut retenir
La Cour d’appel de Bordeaux a prononcé la résolution d’un contrat de fourniture de site internet pour non-conformité à la réglementation sur la protection des données et manquements contractuels du prestataire.
Par arrêt du 13 mai 2025, la Cour d’appel de Bordeaux a prononcé la résolution judiciaire d’un contrat de fourniture de site web sur le fondement des articles 1217 et 1224 du code civil pour manquement, par le prestataire, à son obligation de délivrance conforme, le site internet livré ne respectant pas la réglementation sur les cookies et l’obligation de recueil du consentement.
1. L’origine du litige et la procédure
Le 3 octobre 2019, M. [J.], réparateur automobile, a conclu avec la société Incomm un contrat de licence d’exploitation d’un site web personnalisé, comprenant une prestation de référencement en ligne, en contrepartie du versement de frais d’adhésion suivis de 48 loyers mensuels. Un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé la 19 novembre 2019. Le contrat a par la suite été cédé à la société Locam, qui a assumé la gestion des loyers.
Faisant face à des difficultés financières, M. [J.] a sollicité la résiliation anticipée du contrat, qui a été refusée par la société Locam. Il a alors tenté d’exercer son droit de rétractation sur la base du code de la consommation, et à défaut la résolution du contrat pour inexécution de ses obligations par le prestataire.
Le 17 septembre 2021, la société Locam a mis en œuvre la clause résolutoire du contrat et demandé le paiement des loyers échus, majorés d’une clause pénale.
M. [J.] a alors assigné les sociétés Incomm et Locam devant le tribunal de commerce de Bordeaux. Par jugement du 18 avril 2023, le tribunal de commerce a confirmé la validité du contrat et de sa cession à la société Locam.
M. [J.] a interjeté appel.
2. La Cour d’appel prononce la résolution du contrat pour manquement à l’obligation de délivrance conforme
Invoquant notamment une non-conformité du site internet livré, M. [J.] sollicitait la résolution du contrat pour inexécution, sur le fondement des articles 1217 et 1224 du code civil.
La cour a retenu plusieurs manquements de la société Incomm à ses obligations, notamment la non-conformité du site web à la réglementation sur les cookies (directive ePrivacy) et sur le recueil du consentement (art. 7 du RGPD), et l’absence de preuve de réalisation de la prestation de référencement. (1)
L’article 82 de la loi Informatique et Libertés, qui transpose l'article 5(3) de la directive ePrivacy de 2002, dispose que les abonnés d’un service de communication électronique doivent être informés par le responsable de traitement (notamment les éditeurs de sites web) et donner leur consentement préalablement au dépôt et à la lecture de cookies (ou traceurs). Cette obligation concerne les cookies liés à la publicité personnalisée et les cookies posés par les réseaux sociaux, via leurs boutons de partage.
Tous les cookies ne sont pas concernés par cette obligation de recueil du consentement, tels que par exemple, les cookies qui sauvegardent le choix de l’utilisateur sur le dépôt de cookies, les cookies destinés à l’authentification auprès d’un service, les cookies destinés à garder en mémoire le contenu du panier d’un utilisateur sur un site marchand. (2)
En l’espèce, M. [J.] a découvert, grâce à un constat d’huissier, que lors de l’utilisation de son site web, des cookies (cookies Google Analytics et cookies reCaptcha) étaient déposés sur le terminal des utilisateurs. Contrairement à ce que soutenait la société Incomm, il ne s’agissait pas de cookies techniques. Le prestataire informatique était donc tenu de paramétrer le site (par ex. via un bandeau d’information sur les cookies et de recueil du consentement) pour le mettre en conformité avec la réglementation sur la protection des données, notamment concernant le recueil du consentement des utilisateurs et la licéité du traitement (art. 5, 6, 7 du RGPD)
Le prestataire informatique soutenait d’une part qu’il n’était tenu qu’à une obligation de moyens et d’autre part que la signature du procès-verbal de réception et de conformité du site par le client dégageait sa responsabilité.
Or, selon la cour, la société Incomm n’a pas satisfait à son obligation de délivrer un site internet paramétré conformément à la réglementation relative à la protection des données personnelles. La signature du procès-verbal de réception du site ne suffit pas à exonérer le prestataire, compte tenu du caractère non apparent des non-conformités.
Par ailleurs, la communication du procès-verbal de livraison ne permet pas de démontrer que la société Incomm a effectivement exécuté son obligation de référencement du site, puisque cette prestation devait être réalisée après la phase de recette.
Ainsi, selon la cour la société Incomm a manqué à son obligation de délivrance conforme.
La cour a en outre écarté l’application du code de la consommation, notamment du droit de rétractation, ainsi que la nullité du contrat, faute de vice affectant sa formation.
En conséquence, la Cour a prononcé la résolution du contrat et condamné Incomm à restituer les frais d’adhésion et Locam à rembourser les loyers perçus, le contrat de location financière étant caduc suite à la disparition du contrat principal.
Le développement de site web, comme de logiciel, ne se limite pas aux dimensions techniques et graphiques. Les prestataires sont également tenus de s’assurer que la prestation livrée est conforme à la réglementation, notamment sur la protection des données personnelles mais aussi le droit d’auteur. C’est ce que rappelle cette décision de la cour d’appel de Bordeaux qui a sanctionné la non-conformité réglementaire de la prestation livrée par la résolution du contrat.
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(1) CA Bordeaux, 4é ch. com., 13 mai 2025, M. [J.] c. SAS Incomm et SAS Locam, n°23/02044
(2) Les règles applicables aux cookies ont été rappelées par la CNIL dans sa communication du 29 septembre 2020 : “Cookies et traceurs : que dit la loi ?”
Bénédicte DELEPORTE
Avocat
Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com
Juin 2025