Un chatbot peut engager la responsabilité de l’éditeur du site web

Un chatbot peut engager la responsabilité de l’éditeur du site web

Ce qu’il faut retenir

La mise en ligne par une société d’un chatbot sur son site web peut engager sa responsabilité en cas de fourniture de conseils ou d’informations erronés par cet outil.

En novembre 2022, un particulier a réservé un vol sur Air Canada pour assister aux obsèques d’un proche parent. Avant de confirmer l’achat du billet, il a utilisé le chatbot accessible sur le site web de la compagnie. Le chatbot lui a suggéré qu’il pouvait demander à bénéficier d’un tarif spécial obsèques, à savoir acheter un billet plein tarif et faire une demande de réduction dans un délai de 90 jours après l’émission du billet.

Lorsqu’il a demandé sa réduction, le client s’est vu refuser ce tarif spécial au motif que, contrairement à ce que lui avait suggéré le chatbot, la demande devait être soumise avant d’utiliser le billet.

Le client a indiqué avoir suivi la procédure suggérée par le chatbot du site de la compagnie. Or, selon Air Canada, le passager aurait dû consulter la page statique du site relative à la politique sur les voyages pour raison d’obsèques, accessible depuis le lien fourni par le chatbot, pour contrôler cette information.

Le client a assigné Air Canada devant un tribunal civil de la province de British Columbia pour demander l’application du tarif spécial.

Selon Air Canada, le chatbot serait une personne juridique distincte, responsable de ses propres actions. La compagnie ne saurait être tenue responsable des informations communiquées par cet outil.

Le juge a rejeté cet argument, soulevant qu’Air Canada n’explique pas pourquoi une page statique sur la politique de tarif spécial obsèques serait plus fiable que la réponse d’un outil interactif, qui fait partie intégrante du contenu du site web de la compagnie. En qualité d’éditeur de son site web, Air Canada est responsable du contenu du site, que l’information soit fournie via une page statique ou via un chatbot.

Air Canada a été condamnée à indemniser le passager. (1)

Bien que cette décision ait été rendue par un tribunal civil canadien, elle est intéressante à plus d’un titre. En l’espèce, le juge a appliqué le droit “classique” de l’internet, à savoir le régime de responsabilité éditoriale de l’exploitant d’un site web concernant le contenu fourni aux utilisateurs. En effet, un chatbot peut être considéré comme une fonctionnalité, faisant partie intégrante du site sur lequel il est installé. L’éditeur du site, responsable du contenu fourni, doit s’assurer que les informations sont correctes et non trompeuses, quel que soit leur moyen de communication, depuis une page web ou via un outil interactif. La fourniture d’informations trompeuses, telles que le prix d’un billet d’avion, peut donc entraîner la mise en jeu de cette responsabilité.

* * * * * * * * * * *


(1) Moffatt v. Air Canada, 2024 BCCRT 149, 14 février 2024

Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Mai 2024