Influenceurs en ligne: une activité mieux encadrée juridiquement

Influenceurs en ligne: une activité mieux encadrée juridiquement

Ce qu'il faut retenir

La loi du 9 juin 2023 est venue encadrer l’activité d’influenceur, ainsi que celle de leurs agents, pour lutter contre les dérives de certains, et protéger les consommateurs. Plusieurs domaines d’activités sont désormais interdits (santé, produits et services financiers, jeux d’argent et de hasard) et l’information du public est améliorée. En outre, la loi impose un formalisme aux contrats conclus entre les agents et les influenceurs.


L’influenceur, ou créateur de contenu, véritable “ambassadeur de marques” auprès de ses abonnés, est une personne qui communique en ligne sur les réseaux sociaux, forums, ou blogs par le biais de vidéos, pour promouvoir des produits ou des services auprès des internautes, et les inciter à acheter. Afin de développer leur activité, les influenceurs concluent des partenariats avec un ou plusieurs annonceurs. Selon le site Emarketing.fr, en 2022 18,2% des internautes suivaient des influenceurs sur les réseaux sociaux, dont 63% des 18-24 ans. (1)

Alors que le marketing d’influence est devenu un vrai métier, cette activité commerciale était peu réglementée et a conduit à des abus de la part de certains influenceurs, notamment au titre de la publicité mensongère. La loi du 9 juin 2023 est venue encadrer l’activité des influenceurs sur les réseaux sociaux, ainsi que celle de leurs agents pour lutter contre les dérives et protéger les consommateurs. (2)


1. L’encadrement juridique de l’activité d’influenceur ou créateur de contenu

    1.1 La définition de la notion d’influenceur

La loi du 9 juin 2023 a pour objectif d’encadrer juridiquement l’activité d’influenceur. La loi définit  les influenceurs et créateurs de contenu comme “Les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d'une cause quelconque (…).”

Il s’agit d’une activité de nature commerciale, puisque les influenceurs perçoivent une rémunération des plateformes (nombre de vues de leur contenu) et des annonceurs avec lesquels ils ont conclu un partenariat.

    1.2 Les activités interdites ou strictement encadrées

Désormais, la loi interdit ou encadre strictement la promotion de produits et services dans des domaines particulièrement sensibles aux dérives et tromperies.

Sont notamment interdits la promotion, directe ou indirecte :
    - de produits et services dans le domaine de la santé comprenant les actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique ; les produits, actes, … présentés comme comparables à des actes, protocoles ou prescriptions thérapeutiques ; les produits de nicotine ;
    - impliquant des animaux autres que les animaux de compagnie autorisés ;
    - de produits et services financiers comprenant les contrats d’investissement dont les risques de perte ne sont pas connus au moment de l’investissement ; la fourniture de services sur actifs numériques sauf si l’annonceur est dûment enregistré ; les offres au public de jetons (NFT) ; les actifs numériques sauf si l’annonceur est dûment enregistré ;
    - d’abonnements à des conseils ou des pronostics sportifs, et de jeux d’argent et de hasard. (3)

La violation de ces dispositions est punie de deux ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende, ainsi que l’interdiction définitive ou provisoire d’exercer l’activité d’influenceur. (4)

    1.3 Une meilleure information du public


La loi de juin 2023 impose par ailleurs une plus grande transparence sur l’activité d’influenceur, dans le but de mieux informer les consommateurs sur la nature des messages diffusés. (art. 5 de la loi)

Ainsi, la promotion des biens ou des services doit indiquer la mention “publicité” ou “collaboration commerciale”. L’absence d’indication du caractère publicitaire du message est qualifié de pratique commerciale trompeuse par omission, sanctionnée par deux ans d’emprisonnement et 300.000€ d’amende.

Toujours dans un but de transparence vis-à-vis du public, la loi impose de mentionner “images retouchées”, lorsque des images ont été retouchées aux fins de modifier la silhouette ou l’apparence du visage.

Enfin, en cas de production d’un visage ou d’une silhouette par un procédé d’intelligence artificielle, l’image ou la vidéo doivent porter la mention “images virtuelles”.

Ces différentes mentions doivent figurer de manière claire et lisible sur l’image ou pendant toute la durée de diffusion de la vidéo.

La promotion de programmes de formation professionnelle par un influenceur doit comporter les informations relatives au financement de la formation, aux engagements et aux conditions d’éligibilité pour pouvoir y participer, ainsi que l’identification de l’organisme de formation.

La violation de ces dispositions est punie d’un an d’emprisonnement et 4.500 euros d’amende.

    1.4 Un renforcement des obligations relatives à l’activité de “dropshipping”

La loi associe l’activité d’influenceur à celle de vente à distance et étend donc aux influenceurs le régime de responsabilité applicable au commerce électronique, tel que défini à l’article 15 de la LCEN. (5)

Les influenceurs dont l’activité est limitée à la seule commercialisation de produits, et qui ne prennent pas en charge leur livraison (“dropshipping”), sont responsables de plein droit de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, à l’égard des acheteurs. Il s’agit d’une obligation de résultat, dont l’influenceur ne peut s’exonérer que dans des cas limitativement énumérés. En cas d'inexécution ou de mauvaise exécution du contrat, l’influenceur ne pourra s’exonérer qu’en rapportant la preuve du fait du client, du fait d’un tiers ou un cas de force majeure.

Par ailleurs, l’influenceur doit communiquer aux acheteurs les informations pré-contractuelles prévues à l’article L.221-5 du code de la consommation. Ces informations comprennent, outre l’identité du fournisseur, la disponibilité des produits et leur licéité, les caractéristiques essentielles du produit ou du service, son prix, le délai de livraison, le cas échéant, le droit de rétractation dont bénéficie l’acheteur, etc.


2. Les obligations incombant aux agents d’influenceurs

La professionnalisation de l’activité d’influenceur a en parallèle, donné naissance à celle d’agent d’influenceurs. Cette activité est elle aussi réglementée par la loi du du 9 juin 2023.

    2.1 La définition d’agent d’influenceur

L’agent d’influenceur est la personne chargée de conseiller et de contribuer au développement de l’activité des influenceurs qu’il représente, notamment auprès des annonceurs. L’agent d’influenceur est généralement rémunéré sur la base des revenus générés par les partenariats conclus avec les influenceurs.

La loi de juin 2023 définit cette activité comme le fait de représenter, à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l’activité d’influenceur par voie électronique avec des sociétés dans le but de promouvoir des biens ou des services à titre onéreux. (6)

L’agent d’influenceur défend les intérêts des influenceurs qu’il représente pour éviter les situations de conflit d’intérêts et pour garantir la conformité de leur activité à la loi.

    2.2 Le contrat d’agent d’influenceur

La loi impose un formalisme contractuel à l’accord conclu entre un agent et l’influenceur, contrat qui doit obligatoirement être rédigé par écrit, sous peine de nullité.

Ce contrat doit également comporter un certain nombre d’informations et de stipulations, à savoir : l'identité des parties, y compris leurs coordonnées postales et électroniques et leur pays de résidence fiscale ; la nature des missions confiées à l’agent ; les conditions de rémunération de l’agent, et le cas échéant la valeur de l'avantage en nature ainsi que les conditions et les modalités de son attribution ; et les droits et obligations qui incombent aux parties. Le contrat doit enfin être soumis au droit français, si l’activité vise notamment un public établi en France. (7)

Ce formalisme contractuel ne s’applique pas aux contrats d’agent d’influenceur lorsque la rémunération est inférieure à un seuil devant être défini par décret.

La responsabilité des annonceurs vis-à-vis des consommateurs est également renforcée puisque ceux-ci sont désormais solidairement responsables, aux côtés des influenceurs et de leurs agents, pour les dommages causés aux tiers dans l’exécution du contrat d’influence commerciale qui les lie.

Les influenceurs établis en dehors de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse sont en outre soumis à la réglementation applicable aux entrepreneurs individuels. A ce titre, ils sont tenus :
    -de désigner un représentant établi sur le territoire européen ; Cette personne étant chargée de garantir la conformité légale des contrats d’influence commerciale par voie électronique visant notamment des consommateurs établis en France, et
    - de souscrire une assurance garantissant leur responsabilité civile professionnelle.


    L’activité d’influenceur s’organise. Parallèlement à la réglementation, des agents d’influenceurs et des influenceurs ont créé l’UMICC - Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu dès janvier 2023. (8) Cette nouvelle fédération professionnelle s’est fixé pour objectif de promouvoir une image positive du secteur du marketing d’influence auprès des parties prenantes, plus “professionnelle” et responsable. Un partenariat a ainsi été conclu avec l’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité). En janvier 2024, l’UMICC vient d’annoncer la création d’un Comité éthique pour une influence plus responsable.

De son côté, le Ministère de l’économie et des finances a publié, fin 2023, un Guide de bonne conduite “influence commerciale” à destination des influenceurs, afin de les informer sur leurs droits et obligations applicables à leur activité. (9)

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(1) “Quel est le rapport des Français face aux influenceurs?”, e-marketing.fr, 12 janv. 2023

(2) Loi n°2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

(3) La liste détaillée des activités interdites ou encadrées figure à l’article 4 I à VIII

(4) Voir loi n°2023-451 du 9 juin 2023, article 4 IX

(5) Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ; Art. 15 “I. - Toute personne physique ou morale exerçant l'activité définie au premier alinéa de l'article 14 est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.
Toutefois, elle peut s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable, soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.”

(6) Voir loi n°2023-451 du 9 juin 2023, article 6

(7) Voir article 7

(8) Voir le site à www.umicc.fr

(9) Guide de bonne conduite “Influence commerciale - L’essentiel de vos droits et devoirs pour votre activité d’influence commerciale”, Ministère de l’économie et des finances, déc. 2023

Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Janvier 2024